Génocide des Druzes

Massacres génocidaires en Syrie

The Syria Report, en ligne, le 30 juillet 2025

Traduction par Passerelle¹ 

 

Soueïda : déplacements forcés avec pillages de biens et destruction des infrastructures²

 

 

Au cours du mois de juillet 2025, les opérations militaires menées par les forces des ministères de la défense et de l’intérieur de « l’administration transitoire », avec la participation de milices salafistes et tribales qui leur sont fidèles, ont pris un caractère violent et systématique contre la minorité druze dans le gouvernorat de Soueïda. La campagne s’est traduite par un déchaînement de violence contre toutes des localités — villages et bourgs — et leur destruction complète. De vastes vagues de déplacements forcés ont été accompagnées de bombardements aveugles, d’invasions de domiciles, d’exécutions sommaires et d’arrestations arbitraires, ainsi que de pillages méthodiques des habitations et des commerces, suivis d’incendies ou de démolitions. Les hôpitaux, infrastructures sanitaires et installations vitales telles que l’eau et l’électricité ont également été sabotés, tandis que des fermes, puits d’irrigation, entrepôts et moulins ont été systématiquement détruits.

Ces actes visent à infliger une punition collective, en créant de graves crises démographiques, hydriques et énergétiques dans une région déjà confrontée à de rudes conditions économiques et climatiques.

 L’accès à des informations précises reste difficile à l’heure actuelle, rendant toute estimation fiable des pertes impossible. Le Comité pour la protection des journalistes (CPJ) a d’ailleurs dénoncé le 22 juillet l’interdiction d’entrée imposée aux journalistes à Soueïda. Syria Report s’appuie ici sur des témoignages et estimations locales recueillis auprès de militants, journalistes, ONG, responsables de services publics dans le gouvernorat, ainsi que de personnes déplacées ayant survécu aux vagues d’exode.

Entre le 13 et le 24 juillet, plus de 100 000 personnes ont été déplacées de force des campagnes nord et ouest de Soueïda, fuyant les assauts militaires. La campagne s’est déroulée en deux vagues principales : la première, du 13 au 16 juillet, par les forces gouvernementales et des milices tribales issues des Bédouins de Soueïda ; la seconde, du 16 au 24 juillet, par des tribus arabes venues de toute la Syrie. Selon l’ONU (OCHA), le nombre total de déplacés dans la province atteignait 176 000 personnes au 24 juillet.

La violence systématique a entraîné la mort d’environ 2 000 personnes, en majorité des civils, dont de nombreuses femmes et enfants, tués par des bombardements ou des exécutions sommaires de maison en maison. De nombreux cas de disparitions et d’arrestations arbitraires de civils ont également été signalés, notamment de ceux qui n’ont pas pu fuir. Le Réseau syrien des droits de l’homme a confirmé la mort de 814 personnes, dont 20 enfants et 34 femmes — un bilan encore préliminaire.

Les violences se sont accompagnées de pillages généralisés : meubles, appareils, argent, bijoux, documents personnels et de propriété, jusqu’aux albums photos, avant que les maisons ne soient incendiées ou démolies à l’aide d’explosifs.

Témoignages poignants

Ghinwa, déplacée du village de Jreine (campagne ouest), raconte s’être réfugiée avec sa mère paralysée dans une pièce intérieure pendant les bombardements. Après une frappe dans une pièce voisine, elle a dû traîner sa mère hors de la maison, leur fauteuil roulant étant inaccessible. Une deuxième roquette a frappé leur maison peu après leur fuite. Deux jours plus tard, des éléments de la sécurité ont incendié leur maison après l’avoir pillée.

Le témoignage de Ghinwa rejoint de nombreux autres : pillage systématique des habitations, puis incendie ou démolition à l’aide d’explosifs. Samar, déplacée de la ville de Mazraa, déclare que l’incendie des maisons vise à détruire la mémoire collective, à couper les déplacés de leur passé, de leurs traditions et de leur patrimoine. Talal, résident du quartier du 7 avril à Soueïda-ville, raconte que le quartier a été frappé sans avertissement les 15 et 16 juillet par des roquettes Grad, des obus de mortier et des drones Shaheen. Une frappe a incendié 14 voitures et endommagé plusieurs maisons. Sa propre voiture ayant été détruite, il a dû fuir à pied avec sa famille.

Les forces assaillantes ont également ciblé les véhicules : après avoir volé les voitures les plus récentes, les chars ont volontairement écrasé celles laissées sur le bord des routes, pour empêcher les habitants de fuir et maximiser les pertes humaines. Le 16 juillet, les forces gouvernementales ont attaqué l’hôpital national de Soueïda, l’ont assiégé puis pris d’assaut avec des chars, tuant huit patients, maltraitant le personnel et proférant des insultes confessionnelles. Même les cliniques privées ont été ciblées. L’infirmière Nasreen raconte que l’équipe de l’hôpital Al-Mazraa a dû évacuer les patients avant l’arrivée des forces, qui ont ensuite pillé les équipements médicaux et vandalisé ce qu’elles ne pouvaient pas emporter.

Destruction des ressources agricoles et vitales

Les forces attaquantes ont incendié les champs de blé, d’orge et de céréales dans la campagne ouest — des cultures qui reposent sur l’agriculture pluviale. Les exploitations maraîchères irriguées ont également été visées : réseaux d’irrigation détruits, puits sabotés, pompes et panneaux solaires volés. Des stocks agricoles ont aussi été pillés, menaçant le seul moyen de subsistance des paysans et la sécurité alimentaire d’une province déjà assiégée économiquement et militairement.

Du bétail et des volailles ont été volés avant destruction des fermes. Mohannad, un éleveur de bovins et d’ovins, affirme que sa ferme située dans l’ouest de Soueïda a été totalement dépouillée par les forces gouvernementales.

Les puits d’eau potable ont été méthodiquement détruits, les réservoirs surélevés dynamités, exacerbant une crise hydrique aiguë. Les puits du village de Thaala, qui alimentent 70 % de la ville de Soueïda en eau potable, ont été détruits à l’explosif. Cela survient dans un contexte de sécheresse extrême qui a asséché les barrages de Joulein et Rumm.

Les silos et les moulins ont aussi été visés pour affamer la population. À Umm al-Zeitoun, les plus grands silos de la province ont été pillés, puis incendiés par les milices tribales. La meunerie a également été détruite. Le moulin privé de Saraya, sur la route de Thaala, a subi un sort similaire.

Tensions intercommunautaires et développements récents

Les tribus bédouines ayant pris part aux attaques, notamment dans les quartiers de Haroubi, Mashourab et Maqous, se sont retirées après la retraite des forces gouvernementales le 16 juillet. Cela a donné lieu à des représailles de factions druzes contre des civils tribaux à Shahba, causant 20 morts, condamnées immédiatement par l’autorité spirituelle druze qui a appelé à protéger les civils. Néanmoins, ces incidents ont servi de prétexte à une nouvelle escalade, avec l’arrivée massive de combattants bédouins à Soueïda. Le 16 juillet, l’émissaire américain Thomas Barack a conclu un accord, sous médiation saoudienne, turque et jordanienne, prévoyant le retrait des tribus bédouines des points de passage entre Soueïda et Deraa. Le retrait a commencé avec leur départ de Shahba, suivi le 24 juillet par celui de 400 personnes de la ville de Kafr.

Les milices tribales ont poursuivi les combats là où les forces gouvernementales s’étaient arrêtées, avec les mêmes méthodes violentes et systématiques. Aujourd’hui encore, la majorité des villages du nord restent sous leur contrôle et ceux de l’ouest sous le contrôle des forces du ministère de l’intérieur et des milices tribales.

Une politique de punition collective

Les maisons et les fermes n’ont pas été les seules cibles : les installations électriques l’ont été aussi. Des dizaines de transformateurs ont été détruits dans les campagnes nord et ouest ainsi qu’au centre-ville, plongeant des dizaines de milliers de foyers dans le noir pendant plus de dix jours. En l’absence de carburant, les pompes à eau ne peuvent plus fonctionner, aggravant la pénurie d’eau dans le sud et l’est de la province, qui accueillent aujourd’hui la majorité des déplacés.

Ce qui s’est produit à Soueïda en juillet 2025 ne peut être réduit à une simple opération de sécurité entachée de crimes contre l’humanité. Il s’agit d’une destruction délibérée des fondements de la vie dans une zone urbaine.

 



¹ Première publication de cette association
https://frontpopulaire.fr/international/contents/lillusion-syrienne-d-emmanuel-macron_tco_31279755 
² https://hlp.syria-report.com/%d8%ad%d9%82%d9%88%d9%82-%d8%a7%d9%84%d8%b3%d9%83%d9%86-%d9%88%d8%a7%d9%84%d8%a3%d8%b1%d8%a7%d8%b6%d9%8a-%d9%88%d8%a7%d9%84%d9%85%d9%85%d8%aa%d9%84%d9%83%d8%a7%d8%aa/%d8%a7%d9%84%d8%b3%d9%88%d9%8a%d8%af%d8%a7%d8%a1-%d8%aa%d9%87%d8%ac%d9%8a%d8%b1-%d9%82%d8%b3%d8%b1%d9%8a-%d8%a8%d8%a7%d9%84%d8%aa%d8%b2%d8%a7%d9%85%d9%86-%d9%85%d8%b9-%d9%86%d9%87%d8%a8-%d8%a7%d9%84/?fbclid=IwY2xjawL36fpleHRuA2FlbQIxMQABHjg9wVjrudJPZlakShKrPQ5g931348rwh-tA7NSRuPwKvxMncjG4vvnYHjWT_aem_eH4jZt9HeoJ5AztXDH95zg  

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